Home Accueil CAMBODGE – POLITIQUE : Sam Rainsy lance un appel en faveur du «symbole démocratique»  Kem Sokha

CAMBODGE – POLITIQUE : Sam Rainsy lance un appel en faveur du «symbole démocratique»  Kem Sokha

Date de publication : 18/02/2023
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Kem Sokha Cambodge
Kem Sokha avec le Président allemand Frank-Walter Steinmeier à Phnom Penh le 15 février 2023

 

Gavroche publie en exclusivité une tribune de l’opposant en exil Sam Rainsy sur son successeur Kem Sokha, aujourd’hui en résidence surveillée.

 

Quand j’ai démissionné de la présidence du Parti du Salut National (PSN) le 11 février 2017 pour céder la place à mon vice-président Kem Sokha, je ne savais pas que j’allais lui faire un cadeau empoisonné. Il sera arrêté en pleine nuit à son domicile le 3 septembre de la même année pour être emprisonné dans de dures conditions pendant un an. Privé de tous ses droits politiques, il sera ensuite assigné à résidence pendant encore plus d’un an avant d’être soumis jusqu’à ce jour à un régime de semi-liberté, en attendant d’être jugé pour “sédition” et “trahison”.

 

Pour éviter la dissolution du PSN je devais abandonner la direction du parti car je savais que le premier ministre Hun Sen allait faire adopter un amendement à la loi électorale qui me viserait directement et personnellement. Cet amendement sera effectivement voté par une assemblée croupion le 20 février. Il interdit à tout condamné de diriger un parti politique sous peine de dissolution de ce parti. Il vise tout particulièrement, mais sans le dire, tout “condamné” que les autorités ne peuvent pas arrêter parce que se trouvant hors du Cambodge, ce qui était déjà mon cas. Le caractère “sur mesures” de cet amendement apparaît encore plus clairement si l’on se rappelle que Hun Sen m’avait déjà préalablement fait condamner, par contumace, à de lourdes peines de prison par un tribunal aux ordres pour des “crimes” purement politiques.

 

Hun Sen cherche tout prétexte pour éliminer l’opposition

 

Ma démission n’aura servi à rien parce que Hun Sen avait déjà décidé, de toutes façons, de dissoudre le PSN. Il était prêt à inventer n’importe quel autre prétexte pour ne plus avoir à affronter ce parti. Celui-ci représente, pour la première fois dans l’histoire moderne du Cambodge, l’opposition démocratique unie dont les succès électoraux menaçaient sérieusement le régime en place: 44% des voix aussi bien aux législatives du 28 juillet 2013 qu’aux communales du 4 juin 2017, et cela malgré de graves irrégularités en faveur du parti au pouvoir constatées par tous les observateurs indépendants.

 

Le scrutin local du 4 juin 2017 était particulièrement inquiétant pour Hun Sen parce que le score de l’opposition à un scrutin local devrait normalement baisser par rapport à celui réalisé lors du scrutin national précédent. Ce dernier scrutin auquel le PSN a participé montre que l’opposition a développé considérablement et en très peu de temps son implantation locale, brisant ainsi l’emprise du parti au pouvoir, ex-communiste, dont le réseau de cellules contrôle très étroitement la population jusqu’à dans le moindre village.

 

S’étant déjà  “débarrassé” de moi, Hun Sen devait se retourner contre Kem Sokha, le nouveau président du PSN. Comme celui-ci n’avait pas encore fait l’objet d’une condamnation judiciaire pour faire jouer l’amendement à la loi électorale ci-dessus, il fallait lui en “coller” une. D’où son arrestation surprise et l’accusation encore plus surprenante de “sédition” et “trahison” portée contre lui à la dernière minute, en interprétant d’une façon grotesque un banal discours qu’il avait prononcé en Australie … quatre ans auparavant.

 

Mais Hun Sen a mis les bouchées doubles et est allé plus vite et plus loin que ce que permet l’amendement à la loi électorale : le 16 novembre, soit deux mois après l’arrestation de Kem Sokha, il a fait dissoudre le PSN en prenant comme prétexte une simple accusation portée contre son président alors que celui-ci n’a pas encore fait l’objet d’aucun jugement ni d’aucune condamnation. Pour Hun Sen il fallait éliminer le PSN à tout prix et au plus vite dans la perspective des élections législatives de juillet 2018. Rétrospectivement, Hun Sen a fait un calcul “judicieux” puisque, sans véritable opposition, son parti a remporté 100% des sièges à ces élections de juillet 2018.

 

Kem Sokha reste l’homme-clé de la situation

 

Mais c’est le traitement réservé à Kem Sokha jusqu’à ce jour qui risque de tout gâcher pour Hun Sen. Son procès pour “tentative de renverser le gouvernement avec le soutien des États-Unis” traîne depuis plus de cinq ans. Il constitue une grosse arête en travers de la gorge de Hun Sen obligé de montrer son vrai visage de dictateur sans scrupules. En effet, le procès de Kem Sokha ne peut pas avancer, faute de preuves sérieuses. Il ne peut être abandonné non plus car innocenter Kem Sokha en retirant les accusations fallacieuses portées contre lui, entraînerait ipso facto la réhabilitation du PSN qui pourrait alors participer aux prochaines élections législatives du 23 juillet 2023. Mais la perspective d’une telle résurgence du PSN constitue un cauchemar éveillé pour Hun Sen!

 

Innocenter Kem Sokha et réhabiliter le PSN forment les deux volets indissociables d’une solution à la crise politique que traverse le pays, si l’on veut respecter les principes démocratiques et rendre en même temps justice à un homme devenu un symbole de l’aspiration du peuple cambodgien à la liberté.

 

On ne peut pas expliquer autrement pourquoi les plus hauts représentants des nations démocratiques mettent un point d’honneur à rencontrer Kem Sokha, au grand dam de Hun Sen, chaque fois qu’ils sont de passage à Phnom Penh. Ce fut le cas tout récemment du président de l’Allemagne Frank-Walter Steinmeier qui a insisté pour rencontrer Kem Sokha lors de son séjour d’une seule journée à Phnom Penh le 15 février dernier. Parmi ceux qui ont également insisté pour rencontrer Kem Sokha, parfois à la surprise générale, au cours des six derniers mois, figurent le secrétaire d’état américain Antony Blinken, le deuxième plus haut dirigeant de l’Union Européenne Josep Borrell Fontelles, et la ministre des affaires étrangères australienne Penny Wong.

 

Même privé de tous ses droits politiques et officiellement interdit de toutes activités politiques, Kem Sokha reste un homme-clé par son titre de président du PSN, un parti qui représente une grande force politique dont Hun Sen ne peut effacer d’un trait de plume la légitimité populaire.

 

Sam Rainsy

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