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CHRONIQUES DE SUKHOTHAI: « Sukhothaï, un visa pour le paradis »

Journaliste : Michel Hermann
La source : Gavroche
Date de publication : 29/07/2019
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Les étrangers débarquant en Thaïlande bénéficient d’un « visa à l’arrivée » d’un mois, appelé aussi « exemption de visa », qui peut être prolongé d’un mois supplémentaire en fonction de leur pays d’origine. Il existe aussi de nombreux autres types de visas. Celui de « Retraité », qui concerne de nombreux expatriés résidant dans le royaume, doit être renouvelé tous les ans jusqu’à la fin de leur vie. Cela a inspiré à Michel Hermann cette Chronique de Sukhothai illustrée.

 

J’attendais mon tour sur la chaise en plastique,
Dans la petite salle aux fenêtres aveugles
Du premier étage de l’imposant immeuble
Du Gouvernorat, architecture typique

 

Et élégante des bâtiments officiels :
Blancs aux toits de tuiles rouges et longs couloirs
Tristes et sans vie où des hommes de pouvoir
Régnaient en maître sur la terre et le ciel.

 

Ici, c’étaient plutôt des femmes en uniforme,
Policières du Bureau de l’immigration,
Souriantes certes, mais officiers en jupon
Dont le regard noir inquisiteur vous transforme

 

Aussitôt en coupable de tout et de rien.
Aussi, comme chaque année depuis vingt-trois ans,
Je venais renouveler mon visa d’un an,
Comme tout étranger, -nommé ici « alien » -,

 

Vivant dans le pays, et ce jusqu’au trépas.
Retraité, j’y avais droit, mais à condition
D’avoir déposé huit cent mille BAHT tout rond,
Soit vingt mille euros environ, – rien que ça ! -,

 

Sur un compte d’épargne bloqué. Pour sortir
Du pays et y rentrer, un second visa
Était nécessaire, plus coûteux celui-là.
Des formulaires signés et d’autres à remplir

 

M’attendaient au guichet, variant chaque année
Au gré des fonctionnaires. Plusieurs documents
Certifiés, bancaires et autres, soigneusement
Posés sur la table, étaient examinés,

 

Vérifiés cinq fois, dix fois, par ces employées,
Pour s’assurer que je n’étais ni clandestin,
Ni pauvre, et que j’avais surtout les moyens
De vivre un an de plus dans cet empyrée.

 

Un « alien » ne pouvant être propriétaire,
Mon épouse était du voyage pour prouver,
Documents officiels en mains, qu’elle m’hébergeait.
Mon passeport enfin tamponné dans l’austère

 

Bureau, avec un visa « non-immigrant O »,
Je repartis soulagé. D’autres infortunés
Attendaient leur tour, patients et disciplinés.
Je n’avais pas tout à fait fini, car bientôt

 

Je devrais envoyer, comme tous les trois mois,
Un certificat prouvant que je résidais
À Sukhothaï, et ne m’étais pas échappé
Du pays pour un autre idyllique endroit.

 

L’oublier, c’était se condamner à payer
Une lourde amende. Ce curieux règlement,
Qui s’impose à tous les étrangers demeurant
Dans le royaume du Siam, semble infondé,

 

D’autant que son aspect quelque peu suspicieux
Contraste avec l’accueil d’une population
Franchement ouverte et chaleureuse, notion
Que semble ignorer un pouvoir pointilleux.

 

J’avais enfin mon visa pour le paradis.
L’an prochain, je reprendrai le même chemin ;
De nouveaux fonctionnaires prendront mon destin
En main pour une nouvelle tranche de vie…

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