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CHRONIQUES DE SUKHOTHAI: Sukhothai, une canule pour la nuit

Journaliste : Michel Hermann
La source : Gavroche
Date de publication : 18/06/2019
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Retrouvez régulièrement les délicieuses chroniques de notre ami Michel Hermann, arpenteur de sa province de Sukhothai. Ancien journaliste de l’Agence France Presse, ancien attaché culturel de l’Ambassade de France à Bangkok, Michel fut, pendant prés de vingt ans, l’âme du Lotus Village, maintenant fermé. De retour d’un séjour médical en France, Michel relate une nouvelle expérience médicale qu’il traite avec humour dans ce poème.

 

La canule nasale bien positionnée
Me reliait à cette imposante bonbonne
D’oxygène de cent trente-huit bars, située
Près de mon lit ; monstre d’acier froid qui détonne

 

Dans cette chambre en bois de teck. Ange gardien
De mes nuits, cette oxygénation nocturne
Et quotidienne, venait s’ajouter, pour mon bien,
Aux deux séances de nébuliseur diurne,

 

Parfois quatre en cas de crise, qui meublaient
Ma destinée d’insuffisant respiratoire.
Je ne manquais pas d’air le jour, et j’en faisais
Un grand usage, arrosant chaque victoire

 

Sur la vie quand il le fallait. Considérant,
Comme Nietzsche, que « Tout ce qui ne me tue pas
Me rend plus fort », je songeais donc qu’avec le temps,
Mes charnels efforts et mes hédonistes combats

 

Me maintiendraient, à défaut d’une guérison,
Dans un état laborieux et jubilatoire.
Ma BPCO exigeait une attention
Constante, rigoureuse, sans échappatoire,

 

Avec son cortège de bronchodilatateurs,
Parfois de corticoïdes et d’antibiotiques.
Dans ce climat tropical de moite chaleur,
J’étais plus porté aux activités lubriques

 

Qu’aux sages exercices de méditation.
Mais voilà, un syndrome d’apnée du sommeil
Modéré positionnel, traître compagnon,
S’était invité dans mes longues nuits de veille.

 

Cette bonbonne de cent kilos, rechargeable
A l’hôpital de Sukhothai pour cinq euros,
Faisait l’affaire. Quelques gros bras forts et fiables
Transportaient à dos d’homme ce pesant fardeau

 

Dans ma maison en bois de tek sur pilotis.
J’avais commandé un extracteur d’oxygène,
Plus discret, qui tardait à arriver. La nuit,
Je devais souffrir cette canule sans-gêne

 

Devant apaiser mes poumons, qui, la journée,
Reprenaient ainsi une relative vigueur.
Je me sentais mieux, mais je devais renoncer
A certaines habitudes de vieux noceur.

 

Bercé par le bruit des grenouilles et des crapauds,
Parfois assourdissant après les fortes pluies,
Je m’efforçais de dormir avec ce tuyau
Coincé dans mes narines offertes pour la nuit.

 

L’avenir, et c’est naturel, m’apparaissait
Confus et rempli de canules et de tuyaux
Qui s’immisceraient dans ma vie de retraité.
Malgré tout, je goûtais la vie avec brio…

 

Michel Hermann

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