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GAVROCHE – ROMAN: Dans nos archives «La fille qui aimait les nuages», épisode 7

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 28/05/2020
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Septième épisode déjà pour notre saga vietnamienne et parisienne «La fille qui aimait les nuages» ! Un vrai feuilleton littéraire, unique en son genre, pur produit Gavroche ! Patrice Montagu-Williams, auteur confirmé, continue de nous raconter l’histoire Ai Vân, cette jeune femme prise entre les terribles souvenirs de son père et sa volonté légitime de découvrir la vie…et Paris. Vous êtes passionnés par le Vietnam, l’Indochine et le Paris-Asie ? Lisez, ce roman est le vôtre…

 

Résumé de l’histoire et de l’épisode 6: Sa mère ayant souhaité rester à l’hôtel, Ai Vân, « La fille qui aimait les nuages », l’enfant adorée du chef de la délégation vietnamienne venue en France pour négocier un important contrat d’armement naval, continue à visiter Paris en compagnie de Hai, le policier français chargé de sa protection. Le courant passe entre les deux jeunes gens qui commencent à s’intéresser l’un à l’autre quand, soudain, un évènement imprévu contraint Hai à plonger dans son passé : son père, déporté dans un camp de rééducation, était mort dans des conditions effroyables. C’était le camp que dirigeait Anh Hùng, le père de Ai Vân. Apprenant qu’elle était la fille d’un bourreau, Ai Vân s’effondre…

 

Au même moment, Anh Hùng a rendez-vous avec un agent du renseignement militaire français qui a promis de l’aider car il souhaite demander l’asile politique à la France pour lui et pour sa famille….

 

Par Patrice Montagu-Williams

 

Episode 7

 

Il y a des femmes qui sont toujours belles, d’une beauté qui, simplement, change avec le temps, se dit Ai Vân, quand l’inspecteur lui présente sa mère, Bang Thuy, « eau pure ». Tous deux vivaient dans un petit immeuble bas, à l’architecture sans âme, rue de la Pointe d’Ivry – elle, au second, et, lui, au quatrième – au cœur de ce quartier asiatique de Paris que l’on appelle le Triangle de Choisy.

 

Bang Thuy était arrivée en France en 1979, grâce à l’opération « Un bateau pour le Vietnam » montée par Bernard Kouchner. Le cargo L’Île de Lumière était allé la chercher, elle et son fils, alors âgé de tout juste un an, à Poulo Bidong, un minuscule îlot d’environ un kilomètre carré où croupissaient de vingt à quarante mille réfugiés vietnamiens qui avaient fui le régime. Auparavant, ils avaient erré, en compagnie de deux mille cinq cents autres réfugiés, pendant des semaines, sur un cargo pourri et surchauffé qui puait l’urine et les excréments : le Haï-Hong. Le bébé, couvert d’eczéma, avait souffert de malnutrition aiguë et failli mourir.

 

— C’est à cause de ce cargo que ma mère m’a donné ce prénom, Haï, explique le flic à Ai Vân.

 

Avenue de Choisy

 

Depuis son arrivée en France, Bang Thuy avait travaillé sans discontinuer dans un restaurant vietnamien de l’avenue du Choisy tout en étant bénévole à l’ARFOI, l’Association des résidents en France d’origine indochinoise, rue du disque, près de chez elle.

 

La vieille dame fixe Ai Vân un long moment. Un regard étrange, perçant, qui finit par mettre la jeune fille mal à l’aise

 

— Ma mère pratique le bouddhisme mahāyāna qui enseigne trois choses, explique Haï : la doctrine de la vacuité, la quête de l’Éveil et la reconnaissance de la nature de bouddha.

 

— Quel que soit le malheur qui te frappe, écoute le bouddha qui est en toi et accorde le pardon, dit alors Bang Thuy à Ai Vân avec un sourire.

 

L’amour, comme remède

 

Ils sont montés au quatrième étage, gravissant chaque marche avec lenteur, comme s’ils grimpaient au paradis

 

— Ta mère doit être au courant chaque fois que tu reçois une fille chez toi, dit Ai Vân à Haï, sans lâcher sa main.

 

L’autre ne répond rien. Il s’arrête, se retourne, prend la jeune fille dans ses bras et l’embrasse. Elle se laisse faire sans résister.

 

Après, bien sûr, ils ont fait l’amour. Ils ont recommencé plusieurs fois, jamais rassasiés. Chacun en demandait toujours plus. Puis, ils ont fini par s’endormir, épuisés. Cela a duré tout l’après-midi. Ce sont des enfants qui jouaient dans le square, au pied de l’immeuble, qui les ont réveillés.

 

— Je ne veux plus voir mon père, dit Ai Vân un peu plus tard, alors qu’ils sont assis dans la cuisine devant une tasse de thé Shan Tuyet, un thé blanc doux, presque sucré et légèrement vanillé, récolté sur dans les forêts de Suối Giàng. Et, si j’en parle à ma mère, elle va me dire que les circonstances étaient exceptionnelles, que le nouveau pouvoir ne contrôlait pas vraiment le pays, qu’il existait encore à l’époque un ennemi de l’intérieur qui n’attendait que la première occasion pour renaître, etc…bref, elle va me réciter la version officielle du Parti.

 

Trop tard

 

— Pour ton père, c’est trop tard : tu ne peux plus rien, sauf suivre le conseil de Bang Thuy et pardonner, répond Haï en prenant les deux mains de la jeune fille dans les siennes.

 

— Je pourrais peut-être, un jour, arriver à lui pardonner, mais je ne pardonnerais jamais à ce régime d’avoir fait de mon père un salaud ! Je ne rentrerai pas au Vietnam…

 

Retrouvez ici l’intégralité des épisodes précédents de «La fille qui aimait les nuages»

 

Un roman de Patrice Montagu-Williams

 

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