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GAVROCHE – ROMAN: Retrouvez notre nouvelle édition de «La fille qui aimait les nuages»

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 10/05/2020
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Vous avez été nombreux à suivre «Mamasan», le second roman feuilleton de Patrice Montagu-Williams. Nous vous invitons donc à retrouver son premier roman exclusif publié par Gavroche: «La fille qui aimait les nuages». Trafic d’armes, règlements de comptes géopolitiques et personnels, clan familial mis en charpie par la modernité et traditions vietnamiennes contre attraction occidentale…. A l’heure du Covid 19, cette saga va vous clouer devant votre écran. Deux fois par semaine, «La fille qui aimait les nuages» va de nouveau rythmer votre découverte de l’actualité du sud-est asiatique.

 

Un roman de Patrice Montagu-Williams / Episode 1

 

Les trois Mercedes blindées Maybach S 600 noires roulent vite, et les chauffeurs maintiennent une distance d’une centaine de mètres entre chaque véhicule.

 

L’aéroport de Nội Bài est situé à quarante-cinq kilomètres environ du centre d’Hanoï et la délégation, qui doit prendre le vol pour Paris, a du retard. Bien sûr, l’avion attendra le temps qu’il faudra. Comme toujours, quand il s’agit de convois officiels, la police a sécurisé l’intégralité du parcours sur lequel toute circulation est interdite.

 

Anh Hùng est assis à l’arrière de la première des trois limousines. Deux petits drapeaux avec une étoile jaune sur fond rouge sont plantés à l’avant du véhicule, de chaque côté de la calandre. Anh Hùng est membre du Bureau Politique, là où tout se décide, respectant en cela à la lettre la constitution de 1992 qui précise que « Le parti guide, le peuple maîtrise, l’État administre ».

 

L’époque héroïque d’Oncle Ho

 

À l’intérieur de la voiture, tout est silencieux. Autrefois, à l’époque héroïque d’Oncle Ho – Bác Hô, comme on disait affectueusement – ce n’est pas dans une Mercedes qu’il se serait trouvé, mais dans une ZIL ou une Gaz. Mais les temps changent : l’Union soviétique a sombré corps et biens. Heureusement, le Parti communiste vietnamien, lui, est insubmersible.

 

Anh Hùng est un kinh, un vietnamien du nord. Son nom veut dire « Le Héros ». C’est lui qui l’a choisi. Mais il sait que ses petits camarades du Bureau Politique, qui le jalousent plus encore depuis qu’il a pris la tête de cette délégation, l’appellent entre eux Con Cóc, « Le Crapaud », parce qu’il ne peut s’empêcher de baver à longueur de journée, ce qui fait qu’il a toujours un mouchoir à la main.

 

Les médecins de l’Hôpital français à Hanoï lui ont dit que cette sialorrhée était causée par une maladie des motoneurones. Pour le moment, le Secrétaire Général du Parti le protège, mais pour combien de temps encore ?

 

Une si jolie fille

 

Face à lui, assise sur un siège rabattable, les jambes croisées, une ravissante jeune femme lui sourit. Anh Hùng se demande, en s’essuyant la bouche, comment un type laid comme lui a réussi à engendrer une fille aussi jolie. C’est son trésor, sa plus belle réussite. Elle s’appelle Ai Vân.

 

C’est sa femme, Mai, qui avait choisi ce nom qui veut dire « celle qui aime les nuages », car les nuages dissimulent pensées et émotions que chacun doit garder pour soi, avait-elle expliqué. Anh Hùng avait interprété la chose à sa façon, politique, la seule qu’il connaisse, et éclaté de rire : dans un régime communiste, cacher sentiments et opinions était un gage de survie…

 

Ai Vân est née le 11 septembre 2001. Pas de risque que son père oublie cette date : affalé devant l’écran de télévision, il n’avait pas assisté à l’accouchement et était resté avec ses camarades pour fêter l’humiliation inimaginable que venaient de subir aux yeux du monde entier les impérialistes américains.

 

Mai aussi est ravissante. Son nom signifie « Fleur d’abricot ». Elle se tient à ses côtés, enfoncée dans le profond siège en cuir fauve, et regarde par la fenêtre, silencieuse. Tous deux s’étaient connus enfants dans un petit village de la province de Nghệ An, celle dont était originaire Oncle Ho, le héros national. Le père de Mai avait combattu les Français et était mort en héros, à Diên Biên Phu.

 

Anh Hùng pensait que Mai, au fond d’elle-même, n’avait jamais été communiste, mais cela n’avait pas d’importance : l’essentiel était qu’elle le prétende. Le Parti n’avait pas besoin de conviction mais d’obéissance. Pour lui, de toute façon, ce qui comptait avant tout, c’était qu’il ne la dégoûtait pas et qu’elle ne le trahirait jamais.

 

En famille à Paris

 

Il ferme les yeux et prend la main de sa femme. Il a remercié le Secrétaire Général de l’avoir autorisé, à titre exceptionnel, à l’emmener, ainsi que sa fille, avec lui à Paris. Depuis plusieurs semaines, il est très tendu. Le Parti l’a officiellement chargé de négocier ce très important contrat d’achat de sous-marins avec les Français. Les négociations ne seront pas collégiales, comme c’est le cas habituellement, et ses petits camarades ne feront que de la figuration. Seul un homme des services secrets l’accompagnera. Si la négociation échoue, il sera tenu pour seul responsable et, sans doute, mis à l’écart du Bureau Politique. Heureusement pour lui, tous savent, au Parti, qu’Anh Hùng est détenteur de nombreux secrets explosifs qui peuvent, certes, servir de corde pour le pendre, mais aussi constituer la meilleure des assurances-vie…

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