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INDONÉSIE – HISTOIRE : Srivijaya, le royaume oublié

Journaliste : Xavier Galland
La source : Gavroche
Date de publication : 23/09/2023
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Voici une nouvelle chronique historique issue de nos archives écrite par Xavier Galland, auteur du « Que Sais-je? » n°1095, « Histoire de la Thaïlande ».

 

Pourtant florissant pendant plus de cinq cents ans, le royaume de Srivijaya disparut de la carte et des mémoires pendant des siècles a été redécouvert qu’en 1918 par George Coedès, de l’École française d’Extrême-Orient, situé à l’emplacement de l’actuelle Palembang dans le sud de l’île de Sumatra.

 

Vers la fin du VIIe siècle, bénéficiant du déclin du Founan, un royaume maritime et bouddhiste se développe autour de Palembang, ville du sud de Sumatra accessible depuis la côte par le fleuve Musi. Un moine chinois y aurait séjourné six mois en 671.

 

Victoire éclatante

 

Selon une inscription de 683, le Srivijaya aurait été fondé par un certain Dapunta Hyang Sri Jayanasa — peut-être originaire de Minangkabau — à la tête de 20 000 guerriers. Le nom Srivijaya vient du sanskrit, langue dans laquelle sri signifie “brillant/éclatant” et vijaya “victoire”.

La thalassocratie srivijayenne s’étend bientôt pour englober Sumatra, la péninsule malaise et l’ouest de Java. Cette position unique, à la fois insulaire et continentale, lui assure le contrôle des routes commerciales tant maritimes que terrestres. Maritimes, avec les détroits de la Sonde, de Malacca et de Karimata ainsi que les mers de Chine méridionale et de Java ; terrestres, avec le contrôle de la péninsule malaise (Langkasuka, Pan Pan, Trambralinga) et donc celui du transfert de marchandises par l’isthme de Kra. De fait, le Srivijaya s’assure la mainmise totale sur le commerce entre l’océan Indien et la mer de Chine — benjoin, camphre, aloès, girofle, santal, muscade, cardamome, cubèbe, ivoire, or, étain — et perçoit une taxe sur les mouvements de navires.

 

Des comptoirs sont ouverts à Ceylan et en Asie du Sud-Est — au Cambodge, à Bornéo et même aux Philippines — mais l’influence du Srivijaya, qui reste une thalassocratie, se limite aux côtes et ne se fait guère sentir dans l’hinterland.

 

Haut lieu du Bouddhisme

 

Il semble que la capitale du royaume n’ait pas exercé un contrôle direct sur ses provinces mais que celles-ci lui étaient subordonnées par un réseau d’allégeances personnelles au roi. La ville thaïlandaise de Chaiya, dans la province méridionale de Surat Thani, était vraisemblablement un centre régional important du Srivijaya. De fait, le Wat Phra Borom That de Chaiya possède une pagode (reconstituée) de style srivijayen.

 

Haut-lieu du bouddhisme, Srivijaya attirait nombre de pèlerins et d’étudiants.Selon un moine chinois, plus de mille érudits bouddhistes y résidaient à la fin du VIIe siècle.

 

Aux alentours de l’an 800 — alors que Charlemagne règne sur l’Europe occidentale — commence la construction de Borobudur sur l’île de Java. Le monument fut achevé sous Samaratungga, successeur de Dharmasetu dont il avait épousé la fille. Java, dirigée à l’époque par la dynastie bouddhiste des Saïlendra, était alors sous l’influence du Srivijaya. Chassée de Java quelque temps plus tard, cette même dynastie saïlendra s’emparera du pouvoir et dirigera le Srivijaya aux Xe et XIe siècles.

 

Un royaume dans l’oubli

 

Mais l’influence du royaume commence à décliner et les conflits successifs avec Java et les Chola de Coromandel en Inde du Sud n’arrangent rien. De fait, en 1025, Rajendra Choladeva lance un grand raid, s’empare de Kedah et l’occupe pendant un temps.
A la fin du XIIe siècle, et sans que l’on sache trop pour quelle raison, le centre du pouvoir est transféré de Palembang à Djambi. Néanmoins, comme à plusieurs reprises, Djambi et Palembang envoient chacune un ambassadeur particulier à la cour de Chine, il est possible que pendant un temps le centre de gravité du royaume ait oscillé successivement de l’une à l’autre de ces villes.

 

Le Srivijaya s’effondrera au XIIIe siècle quand, pris entre deux feux — au nord par les Thaïs de Sukhothai qui lui retireront la péninsule malaise, et à l’est par le royaume de Singhasari (est de Java), dont le roi Kertanegara lui ravira la maîtrise des détroits — il ne sera pas en mesure de lutter de part et d’autre.

 

Au XIVe siècle, le Srivijaya est clairement sous la domination du royaume javanais de Majapahit, successeur de Singhasari, à tel point que le nom même de Srivijaya disparaît et qu’on ne parle plus que de Palembang.

 

Comme indiqué plus haut, le souvenir de ce royaume, pourtant puissant, s’effacera peu à peu de la mémoire collective, y compris celle des habitants de son territoire, et ne ré-émergera qu’au début du XXe siècle quand George Coedès — futur auteur de Les États hindouisés d’Indochine et d’Indonésie (1948) — redécouvrira sa trace.

 

Xavier Galland

 

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