Notre ami et chroniqueur Patrick Chesneau n’a pas son pareil pour nous brosser de petits portraits souriants de la Thaïlande et des Thaïlandais. En voici un. Qui rime avec grand âge !

Au sommet de leur vie, deux vénérables grand-mères. Copines comme deux sœurs siamoises. Cheveux cendrés, mine espiègle. Le sourire même édenté est leur oriflamme. Les rides n’altèrent jamais la bonne humeur. Elles sont enjouées. Apparemment insouciantes. Presque guillerettes comme on l’est par culture autant que par nature sous ces latitudes de l’Orient mystérieux. Dans l’enfilade des ans, elles ont triomphé de tant d’avanies. Surmonté tant d’épreuves, parfois de vicissitudes. Arrimées au dernier versant d’une existence de labeur exténuant que tempère enfin une joie sémillante, quasi-primesautière, elles peuvent légitimement brandir le V de la victoire. Sans se départir de ce sabai sabai légendaire que tous les Thaïs arborent comme une seconde peau. Même fripé par l’usure du temps, l’épiderme, en ces contrées, irradie.

En Thaïlande, les aînés ont droit à la considération d’abord symbolique de leur peuple.

Les jeunes générations leur vouent respect et dévotion. Reste à l’état de jouer pleinement son rôle. En l’occurrence, leur garantir une ressource pécuniaire suffisante pour les aider à traverser une vieillesse gratifiante. On est encore loin du compte. Les seniors de ce Royaume se voient allouer un défraiement qui oscille entre 600 et 1000 baht mensuels. Allocation de misère. Dans ce contexte de la paupérisation du troisième âge, de nombreuses voix se font entendre désormais pour souligner cette outrageante iniquité. Une revendication prend consistance.

A défaut d’un système de retraite universel, il conviendrait d’allouer une pension de 3 000 bahts minimum à tous les Anciens. Ils sont dépositaires d’un savoir immémorial et transmetteurs des valeurs de la ” thainess “. Vecteurs de cohésion dans une société  en proie au fantastique bouleversement induit par la modernité. Ce cri du cœur émane d’abord d’un éventail d’associations et de groupes citoyens rassemblés sous l’ombrelle du Four Regions Slum Network. Ces deux mamies gâteau ( de riz ) pas gâteuses valent bien quelque gratification en retour de ce qu’elles ont donné à la nation. A cette condition, on pourra regarder la Thaïlande au fond des vieux en y voyant de bien jolies choses.

Patrick Chesneau