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THAILANDE – GEOPOLITIQUE: Du Roi Bhumibol au Roi Vajiralongkorn, deux visions du monde

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 19/10/2019
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Philippe Bergues est un spécialiste de géopolitique basé en France. Il suit de près la situation en Thaïlande, pays où il se rend régulièrement. Son analyse est une tentative d’explication du rapport des monarques thaïlandais au reste du monde, dans la lignée du vénéré monarque Chulalongkorn (Rama V) qui œuvra à la modernisation du Siam en préservant son indépendance face aux puissances coloniales aux prix de concessions territoriales.

 

Nous publions ce texte dans notre rubrique Débats

 

Le roi Rama IX a régné à ses débuts dans un contexte de Guerre froide. En 1954, le secrétaire d’État John Foster Dulles obtient la signature de l’OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est) le 6 septembre 1954 à Manille avec pour objectif d’endiguer et de contrôler l’influence communiste grandissante dans cette région pendant la guerre d’Indochine et cinq ans après que la Chine n’ait basculé dans le camp communiste avec Mao Zedong à sa tête.

 

Un parti-pris réfléchi et argumenté

 

Ceci explique qu’à partir de cette date, les États-Unis aient contribué à la valorisation de l’image du jeune roi pour le renforcer dans son destin national au moment où le Premier ministre Phibun Songkhram semblait moins séduit par la nécessité de faire de la Thaïlande le pivot des États-Unis en Asie du Sud-Est.

 

Le maréchal Sarit Thanarat, successeur de Phibun Songkhram en 1958, au prix d’un coup de force, contribua ensuite à sceller la dualité militaires/monarchie en Thaïlande dans une période où les États-Unis installaient leurs premières bases militaires siamoises aux prémices de la guerre du Vietnam. Le roi Bhumibol, assez avare en interviews, exprime dans un français impeccable à la Radio Télévision Suisse le 29 août 1960, son parti-pris réfléchi et argumenté de l’appartenance de la Thaïlande au camp occidental.

 

Une adolescence suisse

 

L’attachement au sol thaïlandais de Rama IX dans une Asie du Sud-Est au centre des crises du monde bipolaire couplé à l’icône de la Nation qu’il représentait pourrait expliquer qu’il n’ait plus jamais voulu quitter le territoire national après les années 1960. Et ce, bien qu’il passât une grande partie de sa vie de jeune homme en Suisse à Lausanne avec sa mère, la reine Savang et sa sœur aînée, la princesse Galyani, pays dont il ne cessera de conserver des liens charnels.

 

Retrouvez ici un reportage de la télévision suisse sur le jeune roi Rama IX.

 

Du prince Vajiralongkorn à Rama X, une passion bavaroise

 

Le prince Vajiralongkorn a fréquenté des collèges privés en Grande-Bretagne et en Australie avant d’épouser des études militaires au Royal Military College de Duntroon à Canberra. Depuis l’ère du roi Chulalongkorn, la famille royale thaïlandaise a pris pour habitude d’envoyer ses enfants dans des écoles occidentales prestigieuses tant Rama V a été le souverain du passage à la modernité. Le roi actuel en a conservé une passion pour l’aviation civile ou militaire et demeure un pilote chevronné.

 

En Allemagne

 

Depuis une quinzaine d’années, il s’est établi durablement en Allemagne et plus précisément en Bavière, près de Munich, région dont il semble apprécier le climat, les lacs et les montagnes. Il y réside régulièrement depuis 2014. Depuis son couronnement, Rama X continue de faire de la Bavière son lieu d’hébergement favori y passant bien plus de temps qu’au Palais royal à Bangkok, ce qui ne l’empêche pas d’exercer sa pleine autorité dans le cadre de ses fonctions royales en supervisant de très près les affaires intérieures politiques et militaires thaïlandaises.

 

Une autre Thaïlande

 

Néanmoins, la Thaïlande actuelle n’est plus la Thaïlande de la Guerre froide. Rama X n’est donc pas dans une situation similaire à celle de son père, confronté à l’époque à « la menace communiste » en Asie du Sud-Est. Le roi entretient des rapports de proximité avec le Premier ministre Prayuth, ancien leader de la junte militaire, de même qu’avec le commandant en chef de l’armée royale, le général Apirat Kongsompong.

 

La question dès lors se pose de savoir si les autorités allemandes continueront de juger «normale» la résidence du roi Rama X en Bavière ? Hautement attachée au pluralisme démocratique, à la libre expression et pourfendeuse des régimes dictatoriaux depuis la création de l’État fédéral en 1949, l’Allemagne se trouverait par exemple en situation délicate si un coup d’État militaire survenait sous le règne de l’actuel monarque. Ces interrogations, à n’en pas douter, constituent l’un des arrières plans de la politique thaïlandaise dans les années à venir.

 

Philippe Bergues
Diplômé de l’Institut Français de Géopolitique
Professeur de lycée d’histoire-géographie

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