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THAÏLANDE – TOURISME: Koh Kradan et Koh Muk, les deux joyaux des îles de Trang

Journaliste : Sacha Duroy
La source : Gavroche
Date de publication : 12/05/2020
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Nouvelle escapade à travers de nos archives, cette fois visite des iles de Koh Kradan et Koh Muk dans la province de Trang. Elles figurent dans tous les programmes locaux d’excursions à la journée. Si le récif corallien de l’une et la « grotte d’émeraude » de l’autre font effectivement figure de « must see », il serait bien dommage de s’en contenter et de ne pas leur accorder quelques jours de plus. Portrait de deux îles aussi différentes qu’attachantes.

 

Koh Kradan l’éblouissante présente la particularité d’être une pure « île à touristes », au sens où elle est dépourvue d’une occupation humaine permanente originelle. Il en résulte les caractéristiques habituelles à ce type de configuration : absence de route et implantation des logements exclusivement littorale, et exclusivement sous forme de resorts. Point de village, point de commerces, point de prétention à une quelconque forme d’authenticité dans les rapports humains, à une « rencontre » avec les locaux : les seuls Thaïlandais que vous y croiserez seront soit des touristes – nombreux à apprécier les joies du « snorkeling organisé », comme vous ne tarderez pas à vous en rendre compte –, soit des membres du personnel de votre resort. La partie intérieure de l’île est plus escarpée, boisée, et peu ou prou impraticable du fait de la quasi-absence de chemin pour la traverser. N’en déplaise aux amateurs de randonnée et de points de vue pittoresques, Koh Kradan se résume donc bien à son littoral.

 

Quand bien même vous ne seriez pas grand amateur de plongée en apnée avec masque et tuba – ce qui serait bien dommage –, Koh Kradan à coup sûr vous séduirait par ses plages. Or ils ne sont pas si nombreux, les lieux où la réalité rencontre notre imaginaire, où nos représentations alimentées à coups d’images publicitaires soigneusement photoshopées trouvent une concrétisation non frelatée.

 

On s’en rend compte avant même de sauter de l’inévitable bateau « à longue queue » qui nous amène sur la principale plage de l’île : le sable ici est d’un blanc si éclatant qu’il semble transmettre ses propriétés lumineuses à l’eau et même à l’air. Celui-ci nimbe en effet le paysage aquatique d’une aura si irréelle que vous aurez sans doute bien du mal à vous retenir de mitrailler de photos les quelques éléments saillants qui en émergent, à commencer par les silhouettes outremer des îles voisines qui se détachent à peine du camaïeu de bleus ambiant. Sans rien de spectaculaire, les deux plages de Kradan sont d’une beauté folle. Vous vous étonnerez donc peut-être de voir relativement peu de vacanciers y lézarder… Mais la forêt de tuba hérissant la surface de la mer vous mettra assez vite sur la voie de l’explication : à Koh Kradan, ce qu’il y a sous l’eau est – encore – plus beau.

 

Car le corail est là, à quelques brasses du rivage, plus près encore si l’on part de la plage du Parc National ou bien de celle d’Ao Niang (accessible soit par la jungle, soit par la côte à marée basse, elle mérite absolument une visite, si ce n’est un séjour dans son unique et fort agréable resort) au sud de l’île. Vivant – et apparemment bien portant –, diapré par le jeu des reflets de la surface de l’eau et du fond blanc, il abrite une incroyable variété d’hôtes, des anémones de mer chatoyantes aux murènes inquiétantes, en passant par des bancs entiers de poissons peu farouches, de toutes formes et de toutes couleurs. Et l’immense intérêt de la topographie locale, c’est de permettre aux amateurs d’en observer différentes strates à la fois, du fait d’une brusque déclivité qui court parallèlement au rivage, à une centaine de mètres de celui-ci environ : ainsi le frisson des abysses est à la portée de tous, même des nageurs les plus modestes.

 

Les tours opérateurs ne s’y trompent d’ailleurs pas, eux qui en plus d’organiser l’improbable business du « mariage sous l’eau » – dont Koh Kradan serait apparemment la Mecque thaïlandaise – orchestrent chaque jour le défilé des plongeurs à la journée, charriés par centaines par de gros bateaux orange… Rançon d’un succès bien mérité, cette affluence bruyante et probablement perturbante pour l’écosystème est le seul point noir de l’île ; vous vous en consolerez en vous disant qu’après 16 heures, quand tous les excursionnistes seront repartis, le paysage aura retrouvé toute sa sérénité, et que vous ferez partie des quelques privilégiés à en profiter… Avant de, pourquoi pas, effectuer la courte marche à travers la jungle qui mène à la minuscule et bien nommée Sunset Beach pour profiter de la lumière dorée qu’accrochent ses rochers. N’espérez pas en revanche enchaîner sur une soirée glamour dans un night-club branché, ni même un moment nonchalant dans un reggae bar accueillant : il n’y a pour ainsi dire aucune espèce de vie nocturne à Koh Kradan. On s’y couche tôt, on s’y lève tôt, on y passe le plus clair de ses journées dans l’eau… L’île impose un rythme très particulier, qui conviendra davantage aux contemplatifs qu’aux obsessionnels de la « journée bien remplie ».

 

Koh Muk et ses deux visages offre davantage de possibilités et d’animation, ne serait-ce que parce qu’elle compte un « vrai » village à l’embarcadère duquel accostent la plupart des bateaux, surtout en basse saison. Et là, si vous arrivez de Koh Kradan la superbe, le contraste vous prend aux tripes : les maisons de bois qui s’alignent le long de la côte et plongent leurs pilotis dans la vase ne manquent pas d’allure, mais elles laissent entrevoir des conditions de vie plus que modestes, et les familles occupées à démêler les filets sur leur terrasse semblent côtoyer de bien près les amoncellements d’ordures et les chèvres qui les escaladent.

 

L’impression de pauvreté qui se dégage de ces scènes est d’autant plus forte qu’à quelques pas du village, le somptueux resort Sivalai semble privatiser la superbe pointe sableuse, et y étale sans état d’âme ses transats, son barnum éblouissant, sa piscine turquoise et ses bungalows pour aspirants Robinsons fortunés. Ce contraste qui confine à la schizophrénie peut mettre mal à l’aise : il est donc plus que probable que vous soyez tenté de ne pas vous attarder sur cette côte orientale de l’île, et, par la réputation de Hat Farang alléché, de la traverser d’un coup de moto-taxi sitôt arrivé. Rassurez-vous, ici l’expression « moto-taxi » ne revêt pas le même sens qu’à Bangkok : il s’agit plutôt d’une version revisitée du side-car, dans laquelle vous et vos bagages prenez place dans le « panier » aux côtés du conducteur, en vous félicitant de l’ingéniosité d’un mode de transport aussi confortable. La quinzaine de minutes de trajet passée à slalomer entre les ornières et à rebondir sur les racines des arbres qui entravent le chemin vous laisse tout le loisir de changer d’avis à propos dudit confort, et c’est avec un certain soulagement que vous arrivez à l’arrière de la jolie Hat Farang, également connue sous le nom de Charlie’s Beach.

 

Cette parfaite petite anse bordée de forêt – la présence d’une famille de singes sur la plage est là pour le rappeler – et de falaises ne présente pas de fonds sous-marins particulièrement propices à la plongée masque et tuba, mais elle offre quelques agréables possibilités d’activités. La plus réputée, celle qui vous a probablement attiré en ces lieux reculés, est la visite de Tham Morakot, la bien nommée grotte d’émeraude. Tous les bateliers de l’île et des environs vous proposeront de vous y conduire, mais si vous voulez profiter de la magie du lieu sans avoir à le partager avec des cordées entières de nageurs en gilet orange, optimisez plutôt votre présence à Hat Farang en y louant un kayak – le Sawasdee Resort, situé à l’extrémité nord de la plage, est le plus indiqué pour cela – en fin d’après-midi, de façon à arriver à la grotte après le départ des foules en excursion organisée.

 

Après trois-quarts d’heure à pagayer le long de la falaise, vous parviendrez devant un demi-cercle d’ouverture sombre, surmonté d’une plaque confirmant que vous êtes bien devant Tham Morakot. A partir de là, deux options s’offrent à vous : amarrer à grand peine votre kayak à l’une des quelques cordes disponibles, et vous lancer dans la grotte à la nage, ou bien, si la marée est suffisamment basse, y pénétrer avec votre esquif. Dans les deux cas, une vague de panique risque de vous submerger lorsque l’obscurité se refermera sur vous et que vous devrez progresser durant quelques longues secondes strictement à l’aveugle, au gré du bruit sourd et inquiétant des vagues s’écrasant contre la falaise.

 

Les prévoyants se féliciteront alors d’avoir pensé à se munir d’une lampe torche… Une lueur finit par poindre au bout d’un boyau latéral qui débouche sur un lagon émeraude au fond d’un puis de lumière en plein cœur de la falaise, curiosité géologique liée aux propriétés érosives particulières de la roche karstique. L’œil se perd le long de la verticalité de ce lieu unique, tapissé d’un vert qui rappelle celui de l’eau, et dont on n’est guère surpris qu’il ait, par le passé, servi de repaire à des pirates, ainsi que l’indique un écriteau posé sur le sable. C’est à contrecœur qu’on s’arrache à la petite plage blanche, partagé entre le désir d’apprécier plus longtemps ce paradis caché, et la crainte d’y rester piégé par la marée montante…

 

Mais qu’à cela ne tienne, on peut en sortant de la grotte prolonger la magie en pagayant quelques dizaines de minutes de plus en direction de la minuscule et sauvage Sabai Beach, accessible seulement par la mer et par un chemin de randonnée sillonnant à travers la jungle, plus fréquenté apparemment par les serpents que par les courageux amateurs… Autant dire qu’à partir d’une certaine heure de l’après-midi, on a plus de chance d’y rencontrer des varans aux allures de maîtres des lieux que d’autres touristes…

 

Après cette belle mais fatigante excursion, c’est avec un certain soulagement qu’on retrouve Farang Beach, juste à temps pour admirer l’exceptionnel spectacle qu’elle offre tous les soirs lorsque le soleil embrase le ciel avant de disparaître derrière la falaise. Pour admirer dans les meilleures conditions ce coucher de soleil qui justifie à lui seul le séjour sur cette plage, n’hésitez pas à fournir encore un petit effort pour vous rendre à l’autre extrémité de la plage et grimper l’escalier en bois qui s’y présente.

 

En haut, une sympathique famille de pêcheurs vous accueille, et vous propose de prendre place sur la terrasse en bois de leur Koh Ai View Restaurant (ne cherchez pas d’enseigne portant ce nom, il n’y en a pas) installée à flanc de falaise, d’où vous pourrez assister au coucher du soleil tout en vous régalant d’un poisson pêché du jour délicieusement accommodé et arrosé d’une bière bien fraîche, le tout pour un prix dérisoire… Sur le chemin du retour vers votre resort, tout en prenant soin d’éviter les centaines de bernard-l’ermite qui, leur lourde coquille d’emprunt sur le dos, quadrillent la plage de traces souvent aussi larges que celles de pneus de mobylette, nul doute que vous vous féliciterez d’avoir laissé sa chance à cette île étrange mais attachante, dont on ne peut qu’espérer qu’elle saura dans l’avenir se développer de façon un peu plus harmonieuse.

 

Sacha Duroy

 

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