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Chroniques de Sukhothai : Capitaine Julie

Journaliste : Michel Hermann
La source : Gavroche
Date de publication : 27/09/2018
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Tous les expatriés résidant dans le royaume doivent renouveler leur visa tous les ans. S’y ajoutent un visa de sortie (Re-entry) et tous les trois mois, un document prouvant qu’ils sont bien présents dans le pays, le fameux TM.47 (Form for Alien to notify of staying longer than 90 days). La Petite Chronique ci-dessous « Capitaine Julie » relate l’évènement. A noter que depuis quelques mois, Capitaine Julie officie maintenant à Kamphaeng Phet.

 

Capitaine Julie et son beau derrière,
Est la terreur des émigrés. En uniforme
Vert olive, elle vous reçoit, sans autre forme
De procès. Pourtant on la craint, on la vénère,

 

Car elle tient votre destin dans ses mains blanches :
Sans elle, pas de visa, expulsion assurée.
Familier rituel, on file chaque année
Pour Mae Sot, ville frontière, tenter sa chance

 

Et décrocher le Graal. Formulaires et tampons,
L’administration thaïe n’a pas d’état d’âme,
Les Services de l’Immigration et ses dames
Incorruptibles. Belles policières en jupon,

 

Qui vérifient un par un les documents,
S’assurant que vingt mille euros sont déposés
En caution. Tout se passe bien, je suis rassuré.
Mon esprit se libère, c’est un soulagement.

 

Une fois le visa annuel payé, il faut
Encore en prendre un deuxième pour sortir
Du Royaume, moins cher celui-là. Partir,
Rentrer, il faut payer, bien sûr rien de nouveau,

 

Mêmes mes angoisses, que les sourires
Du Capitaine Julie ne peuvent effacer.
Car la coquine sait que l’on ne peut oublier
L’autre épreuve : se rappeler au souvenir

 

De l’immigration tous les trois mois : formulaire
Adéquat qu’elle recevra ainsi quatre fois l’an,
Au risque de payer une amende, simplement,
C’est la loi. Ainsi ces zélées fonctionnaires

 

Auront la chance de me revoir, stressé,
Tous les ans jusqu’à ma mort, et revenir
Quémander un visa de retraité, pour ouvrir
Une nouvelle année, un sursis mérité…

 

Cependant, un évènement inattendu
Est venu huiler la machine et mettre fin
Au pèlerinage de Mae Sot, aux confins
Du Royaume, paysages doux et perdus.

 

Je ne verrai plus le Myanmar depuis la rive.
Ni son marché birman, coté thaïlandais,
Où jade, rubis, améthystes et quartz fumés,
Sur des présentoirs, projettent leurs couleurs vives.

 

Fini la vision des montagnes plutoniques,
Où les minorités s’acharnent à cultiver
En terrasse, légumes et fruits bigarrés.
Car l’Immigration, pour des raisons techniques

 

A ouvert une antenne à Sukhothaï. Ange
Ou démon, Capitaine Julie a suivi
Le mouvement, laissant là-bas rancœur, soucis
Et autres désagréments qui dérangent.

 

Métamorphose

 

C’est certain, l’air de Sukhothaï apprivoise
Cet oiseau de malheur, devenue colombe.
Au fil des jours, la belle se calme, succombe
Aux charmes de la ville. Elle pavoise

 

Même, en uniforme dans les rues, fière
De son corps, de sa peau douce, de sa beauté.
Car la bougresse ne manque pas d’attraits.
Son visage, sa peau blanche, son beau derrière,

 

Cachent un cœur tendre, sensible et secret.
Ainsi au fil des jours, des soirées mondaines,
J’ai appris à connaître mon Capitaine,
Qui m’a ouvert son cœur, son âme, ses pensées.

 

Elle n’avait pas prévu d’être policier,
Mais peintre. Sa vie a pris un autre tournant.
Dans le fond, cela lui va bien. Loin des tourments
De l’artiste, tout en muscle, elle est taillée

 

Pour le corps à corps, le combat rapproché.
Mon Capitaine aux grands yeux clairs et lèvres humides,
A la stature et la démarche solides.
Du haut de ses trente-sept ans, ma déité

 

Est célibataire, libre et libertine.
En civil, laissant son uniforme au vestiaire,
Elle aime danser, s’enivrer à la bière,
Vivre libre, anonyme, citadine.

 

De ses origines chinoises, elle a hérité
D’une peau claire, de pommettes hautes,
Et d’yeux légèrement plissés. Un sans faute
Physique qu’elle se plait souvent à souligner.

 

Dans sa démarche, elle est logique. Vie privée,
Vie publique ne se mélangent pas. La loi
Et l’ordre, la vertu, ne se discutent pas.
Mon Capitaine Julie, sociale et branchée,

 

Fait maintenant de son mieux pour s’intégrer
A la vie de la cité. Gaité, sourires,
Tout le monde l’aime ici. Son avenir,
Et le nôtre, pour le bien de tous, est tout tracé.

 

Avec elle, mes angoisses m’ont quitté.
Plus besoin de partir au loin pour mon visa,
Le Capitaine Julie veille sur moi.
Me protège de ses grandes ailes déployées…

 

Michel Hermann

 

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