Home Accueil INDOCHINE – ÉCRIVAINS: Charles Vala, alias Henry Daguerches, maitre en voluptés coloniales

INDOCHINE – ÉCRIVAINS: Charles Vala, alias Henry Daguerches, maitre en voluptés coloniales

Journaliste : Francois Doré
La source : Gavroche
Date de publication : 07/09/2020
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Lire les chroniques littéraires de notre ami et collaborateur François Doré est toujours un délice. Nous voici plongés, grâce à lui, dans la «belle colonie» française de l’Indochine dont les moeurs fournirent quantité de romans. Un auteur se dégage, prolifique et maitre dans l’art de raconter les coulisses indochinoise: Henry Daguerches.

 

Une chronique littéraire et historique de François Doré

 

«O Consolata ! Fifi-fenouillet, petit futifu, comme nous vous aimons ! Petit oiselet, fragile et gracieux comme ces bergeronnettes qui virevoltent insouciantes, au milieu des maquis embaumés du Mont Faron ! Qui vous a approchée un jour, ne pourra vous oublier !».

 

C’est en 1906 que paraît ce premier roman d’un auteur inconnu. Derrière ce Henry Daguerches, se cache le capitaine Charles Valat, qui à l’époque est stationné à la Direction de l’Artillerie Navale à Toulon. Ancien de Polytechnique, il a à peine trente ans, et a déjà passé deux ans en Chine avec le Corps Expéditionnaire pendant l’expédition de 1900 et 1901.

 

Les jeunes aspirants de la Flotte

 

Consolata Siffrein est une jolie jeune fille brune, comme toutes ses amies qui fleurissent les allées ensoleillées de la ville de Toulon, où elles se laissent butiner par les jeunes aspirants de la Flotte. Une corporation joyeuse et fraîche de demi-mondaines, qui fera quatre ans plus tard le sujet du beau livre de Claude Farrère, ‘Les Petites Alliées’, ces petites soeurs qui gentiment s’efforcent d’adoucir la vie aux pauvres hommes et de mêler un peu de miel à notre absinthe, qui prennent part de nos soucis, de nos lassitudes, de nos misères, et portent la moitié du mauvais fardeau…’.

 

Le roman est divisé en deux parties parfaitement égales : la première se passe dans la région de Toulon et la seconde, en Chine. Le roman s’ouvre sur la première visite que rend le capitaine Namurgues à la jolie Consolata, qu’il avait admirée avec une insistance tendrement voluptueuse sur le boulevard du littoral. Namurgues sera vite accepté comme amant de coeur et c’est lui que Consolata suivra jusqu’en Chine. Elle va lui faire connaître son petit cercle d’amis, tous regroupés autour de la divine RoseGrenade, la plus belle fille de la région : ‘De Six-Fours à Belgen tier, du phare de Sanary à celui d’Escampobariou, tout le pays était fier de la beauté de son enfant’. Rose-Grenade reçoit dans sa chambre d’opium, fouillis parfumé, rare sanctuaire où ses amis, tous officiers de marine ayant connu les conquêtes coloniales, se retrouvent pour ‘s’emplir les bronches de la bonne fumée et discuter de la couleur du Fleuve Rouge, des talents de leurs congaïs et du goût des mangues’.

 

Un géant à figure glabre

 

Il y a d’abord le capitaine Volder, géant à figure glabre et à cheveux gris, mais qui éblouissait tous les jeunes lieutenants en partance pour l’Asie, par son titre authentique de ‘mandarin’ que lui conférait sa connaissance étendue de l’écriture chinoise. C’est lui aussi qui avait initié Rose Grenade à l’art somptueux de la préparation de la pipe d’opium. Si elle le laissait embrasser sa gorge de cariatide, son amant préféré restait Baptistin. Car si ces dames ont toutes plus d’amants ‘qu’il ne navigue de pêcheurs de rascasses entre Carqueiranne et le cap Sicié’, elles ont toutes un ami de coeur qui conserve leur préférence.

 

Il y avait aussi celui qu’on appelait l’ingénieur : il était myope et laid, mais il possédait une science infinie’. C’est lui, qui, créateur du prototype d’un petit sous-marin, va offrir au roman un de ses grands moments quand devant toute la population de Toulon réunie au bord de la Darse, pour la fête des lumières, il va présenter Rose-Grenade qui, telle la Vénus anadyomène, décore, entièrement nue, l’étrave de son frêle esquif.

 

Pour la couleur de ses yeux

 

Et puis il y a celui qu’on appelle le petit Sid, en réalité le lieutenant Sideville. Consolata l’aimait beaucoup, pour la couleur de ses yeux, qui ressemblaient à des plumes de martin-pêcheur. C’était un doux coeur, parlant peu, un enfant modeste et serviable, ‘et il avait toujours l’air de regarder des choses que les autres ne voyaient pas’. Et Rose-Grenade, renversée sur les coussins, ‘un sourire fleuri de vague dédain aux lèvres, regardait ses amis s’assoupir peu à peu dans l’envahissement voluptueux de la drogue’. Seule Consolata, petit jade, ne fumait pas, car disait-elle, elle n’avait jamais eu de chagrin d’amour.

 

Elle grignotait des chichourles, pendant que Nam son amant, étendu sur le dos, ‘revoyait tout ce cher pays : Sontay et la marche admirable des filles aux jambes couleur de limon sur les digues des rizières, et les gnôs porteurs de belles lanternes…’. La vie était belle, autour de la chambre d’opium, jusqu’au jour où la nouvelle explosa : tous les officiers de marine devaient repartir pour l’Orient où les attendaient de nouvelles conquêtes… L’écriture de Daguerches, parfois déroutante, baigne dans une poésie des sons, des couleurs et des parfums, le tout éclaboussé de la lumière de sa Provence natale. Il faut lire et relire Consolata, la fille du soleil, elle saura mettre de la lumière dans vos coeurs…

 

François Doré Librairie du Siam et des Colonies

 

Les livres cités dans cette chronique sont disponibles à la Librairie du Siam et des Colonies à Bangkok / Sukhumvit Soi 1

 

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