Nous reprenons ici le récit du meurtre d’un journaliste philippin de premier plan par l’excellent site Asia Sentinel, dont nous vous recommandons la lecture
Le 3 octobre, alors que Percival Mabasa, 63 ans, entrait dans son quartier fermé de Las Pinas, une communauté de la métropole de Manille, sa voiture a été percutée par l’arrière par une Toyota Fortuner blanche. Il s’est brièvement arrêté, mais un homme armé, monté sur une moto, lui a tiré deux balles dans la tête, le tuant sur le coup.
Mabasa était connu professionnellement sous le nom de Percy Lapid, animant l’émission de radio “Lapid Fire”, dans laquelle il critiquait sans relâche la corruption du gouvernement philippin sous les administrations des derniers présidents, notamment Rodrigo Duterte et Ferdinand Marcos Jr, connu sous le nom de Bongbong ou BBM.
Mabasa s’était attaqué à plusieurs reprises à la guerre de la drogue de Duterte, qui a coûté la vie à des milliers de toxicomanes, pour la plupart pauvres et impuissants, par le biais d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par la police et les escadrons de la mort, avec un effet négligeable sur la fabrication ou l’importation de drogues illégales, ou sur la consommation publique. Il a pratiqué un journalisme sans retenue, s’attaquant à la corruption à tous les niveaux, plus récemment au sujet d’un scandale au sein de l’Administration de réglementation du sucre de l’administration Marcos, qui a conduit à la démission en septembre du secrétaire exécutif de Marcos. Il a à plusieurs reprises critiqué les performances des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire.
En raison de ses reportages, les autorités ont déclaré qu’il y avait jusqu’à 150 suspects dans son assassinat. Mais en fait, il y a un suspect particulier qui aurait été nommé par l’un des tireurs. Il s’agit de Gerald Bantag, le directeur général du Bureau des services correctionnels, aujourd’hui suspendu. Le meurtre de Percy Mabasa est devenu le plus grand défi en matière de droits de l’homme du régime de Bongbong Marcos, qui dure depuis quatre mois.
Pas moins de dix membres de l’administration pénitentiaire sont soupçonnés d’être impliqués dans le meurtre de Mabasa. Marcos a ordonné la suspension de Bantag “pour garantir l’impartialité de l’enquête” le 21 octobre. Mais il n’est pas impossible que Bantag disparaisse de l’enquête. Au fil des ans, des dizaines de journalistes ont été assassinés en toute impunité aux Philippines. Le Comité pour la protection des journalistes, basé à New York, a recensé 196 morts depuis 1992, et le nombre d’arrestations est malheureusement très faible.
Il convient de noter que la sénatrice Leila De Lima est toujours détenue dans le complexe militaire de Camp Crame, après avoir été emprisonnée par Duterte sur la base d’accusations de trafic de drogue qui ont été largement démenties par les organisations de défense des droits de l’homme après qu’elle ait contesté la guerre contre la drogue menée par Duterte. La pression exercée sur le portail d’information Rappler, très respecté, et sur son éditrice, la lauréate du prix Nobel Maria Ressa, ne s’est pas relâchée. Le nouveau président philippin Bongbong Marcos s’est contenté d’une déclaration par l’intermédiaire d’un collaborateur indiquant qu’il était “préoccupé” par le meurtre de Mabasa.
Le bilan des meurtres non élucidés de journalistes aux Philippines est déprimant. Au moins 11 d’entre eux ont été assassinés au cours de cette décennie, selon le Comité pour la protection des journalistes, basé à New York. Le pays est le théâtre du plus grand massacre de journalistes en une seule journée de l’histoire mondiale – 34 personnes ont été tuées en pleine querelle politique sur l’île de Mindanao le 29 novembre 2009.
Remerciements à Michel Prevot
